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Vincent et Estelle, à mi-voix, se nomment les demeures princières dont les façades, ciselées comme des tabernacles, reflètent dans l’onde aux moires glauques des dentelles de marbre, des mosaïques aux tons de gemme, et les fraîches verdures et les fleurs de leurs terrasses : Cà d’Oro, Foscari, Pisani… Et les palais délaissés, omis par le Joanne, ne les intéressent pas moins, saisissants et mystérieux en leur décadence, avec des fenêtres borgnes, des volets disjoints, des murs émiettés par le remous brutal, des pali vermoulus auxquels ne s’amarrent aucune gondole.

Ainsi iraient-ils, des heures et des heures, pénétrés par la volupté de l’oubli et le charme des visions de beauté.

Mais cette Venise d’apparat ne les captive pas seule. Ils aiment aussi la Venise vivante et populaire qu’ils ont vue, dans la joie du dimanche, animer les calli étroits de la Merceria ou les environs du Rialto. Ils ont observé ensemble la noblesse d’allure des femmes, sous le long enroulement des souples châles noirs. Portant haut leurs têtes fines, couronnées de volutes savantes, posant avec délicatesse, sur les dalles, des petits pieds coquets, ne paraissent-elles pas imiter la grâce fière des pigeons familiers de San-Marco ?