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chez est remplie de risques et fertile en déceptions. Vous les représentez-vous bien nettement ? Courir de poste en poste, dépenser votre courage, le meilleur de votre vitalité physique et mentale pour des inconnus, qui vous oublieront volontiers, dès qu’ils n’auront plus besoin de vous ! Le malade, une fois guéri, devient si facilement ingrat !

Les beaux yeux nuancés se brouillèrent d’une fumée. Mais, avec la constance de ceux qui ont déjà résisté aux chocs de la vie, Estelle répliqua :

— Je ne m’abuse nullement, monsieur. Mais partout et en tout, il y a tant de choses dures qu’il faut accepter !

À cette réponse résignée, un frémissement presque insaisissable agita le visage basané. Les yeux perdus dans le vide, et balançant un crayon au bout de ses doigts distraits, M. Marcenat reprit :

— Peut-être pourrait-on vous éviter ces fluctuations pénibles et ces avatars fatigants. Écoutez-moi.

Un enrouement couvrit sa voix soudain. Et la pause fut si longue ensuite qu’Estelle se demanda si la suite du discours viendrait jamais. Elle n’apercevait plus de son interlocuteur que la tempe large, striée de quelques rides, et le profil fuyant, estompé de la barbe foncée. Ce silence gênant prit fin.

— Écoutez-moi ! redit M. Marcenat.