Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
42
SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

Il faut seulement noter ici que le cérémonial a pour fin de remédier aux improvisations déréglées qui caractérisent les passions et même les émotions, et, par là, de fournir un objet en même temps qu’une règle aux jeux d’imagination solitaires, qui vont à l’égarement, même chez les hommes les plus cultivés. Et, selon la nature, cette règle des passions, par l’expression composée, est bien la première, puisque c’est ainsi que tout homme apprend la pensée en même temps que la parole. Et c’est par la pensée commune que chacun arrive à la pensée propre. Hors de l’imitation réglée, et de la sympathie composée qui est politesse, il n’y a point d’humanité à proprement parler, mais bien l’animalité seule, et même sans conscience suivie. Prenons donc la cérémonie, primitivement et toujours, comme élaboration du souvenir, du sentiment et de la pensée ; en sorte qu’il n’y a point de distinction à faire entre l’expression ou échange des sentiments et la puissance de les éprouver. Ces idées reviendront, mais il fallait les marquer ici, afin d’orienter les réflexions du lecteur, communément trop peu préparé, par la société des livres, à considérer ce qu’il doit aux fêtes publiques et privées et à toutes les espèces de culte.