Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE IV

LE DOMAINE DE LA PROSE

La prose tend par sa nature à changer de ton et à varier ses touches et ses prises. C’est pourquoi l’œuvre complète de prose est le roman. Mais, avant de voir comment tous les genres s’y réunissent, il n’est pas mauvais de les décrire sommairement dans leur état de pureté, autant qu’il sera possible. J’en aperçois deux opposés, qu’on peut appeler l’explicatif et le narratif, et un autre déjà composé, qui serait le confidentiel. Je laisse le démonstratif à l’éloquence, pour les raisons que j’ai dites. Je prie seulement que l’on remarque que, dans le langage écrit, la démonstration est toujours pédante ; et, comme il arrive toujours, la forme révèle le fond ; car, à mesure que l’on se délivrera des coutumes oratoires et de l’enseignement verbal, on viendra à dire ce que de bons esprits ont toujours aperçu, c’est que les preuves ne sont point des raisons, et non pas même dans la mathématique pure, où une exposition analytique de la question proposée remplacerait avec avantage ces définitions, ces demandes, ces énoncés et ces démonstrations divisées, plus propres à convertir qu’à éclairer. Bref la scolastique est encore partout, mais la prose s’en délivre, et les jugements du goût devan-