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CHAPITRE IV

DE LA FORME

Il y a de naïfs dessins d’enfants où l’on peut voir les deux yeux de face et le nez de profil. C’est là une sorte d’écriture ; et plus d’un dessin mieux étudié est gâté souvent par un besoin de tout dire, qui vient de ce que l’on veut représenter l’objet même tel qu’on le pense, et non point l’apparence telle qu’on la voit. Le dessin, art vif, et qui saisit l’instant, se limite, par sa nature même, non seulement à ce qu’il voit, mais même à ce qui, dans ce qu’il voit, exprime le mieux l’instant. En quoi il s’oppose à la peinture, qui, tout au contraire, cherche une nature, et non l’accident. C’est pourquoi le peintre dispose d’abord son modèle et met en lumière les signes de nature. Au lieu que le dessin saisit les signes du mouvement, et la forme par là. C’est pourquoi le dessin ne s’effraye pas de profils perdus, mais tout au contraire du peintre, cherche les muscles, l’attache du cou, et enfin déshabille le modèle. La ligne va donc au nu, par cette affinité naturelle qui la conduit à chercher dans la forme les signes du mouvement ; et c’est peut-être par les préparations du dessin que le nu envahit la sculpture et la peinture. Mais, bien plus, comme la ligne fait plus pour le mouvement que le modelé des muscles, le dessin exprime