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CHAPITRE III

DU MOUVEMENT

Il arrive que la peinture et la sculpture représentent le mouvement par l’attitude, et même le mouvement vif, comme la course ou le coup de poing. Toutefois ces arts, par leur puissance même, recherchent toujours l’immobile, et enfin tous les trésors de la pensée et du sentiment que l’action dévore. Le domaine propre du dessin, au contraire, c’est l’instantané, c’est-à-dire le mouvement et l’action. Et un enfant, par un dessin grossier, peut bien faire comprendre qu’un cheval galope, ou qu’un homme court ; l’artiste, en dessinant mieux, signifierait encore mieux les mêmes actions. Mais il se trouve que la forme gêne le mouvement et en somme qu’il est plus facile de signifier que d’imiter. Les procédés de la photographie, qui saisissent une position dans l’instant, ont bien fait comprendre en quoi l’artiste invente le mouvement ; car ces poses prises de l’objet même n’offrent jamais l’image de la vie ; et il est assez clair qu’un moment du mouvement n’est pas le mouvement. Le mouvement n’est perçu que par un jugement qui lie plusieurs images, dessinant de l’une à l’autre une trajectoire continue. Mais si vous pensez une position seulement, vous pensez l’immobile, comme le fameux Zenon d’Elée se plaisait à dire