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CHAPITRE II

DE LA LIGNE

La ligne est l’invention propre au dessin. Car il n’y a point de lignes qui circonscrivent les formes ; aussi aucun artiste ne niera que le dessin soit une interprétation des formes, et une traduction des volumes et des surfaces par des lignes. Ce n’est pas que la nature ne nous présente quelquefois des lignes dans son apparence, comme on voit dans les fines branches des arbres, ou dans les cheveux et la barbe ; mais, chose remarquable, un bon dessin ne suit pas ici la nature. L’artiste ne représentera point les fines branches par des lignes, mais il dessinera un tronc par deux lignes, en se gardant bien de copier les lignes de l’écorce. De même les cheveux et la moustache seront mieux dessinés par une ligne qui en limite la forme que par les innombrables lignes que la nature nous offre. Ainsi le dessinateur traduit par des lignes ce qui n’offre point de lignes, et néglige souvent les lignes que la nature lui présente. Il suffit de cette remarque pour que l’on soit détourné de confondre la perfection de l’art photographique avec la perfection du dessin. La ligne du dessin n’est point l’imitation des lignes de l’objet, mais plutôt la trace d’un geste qui saisit et exprime la forme. C’est pourquoi, dans le dessin, on reconnaît aussi bien l’ar-