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CHAPITRE X

DU PAYSAGE

Pour l’âme fatiguée de cette attention émouvante qui, dans la vie de société, étudie sans cesse le visage humain, le repos est la perception des choses à distance de contemplation, si l’on peut dire, c’est-à-dire sans vouloir les reconnaître et les nommer pour notre usage. L’aspect des choses, sans aucune prudence de pensée qui choisisse et distingue, signifie la simple joie d’être percevant, c’est-à-dire le sentiment total de la vie encore, mais délivré de contrainte, loin des hommes et de tous les projets humains. Par une opposition du même genre, la joie de représenter des chemins, des forêts, des horizons vient naturellement après un long effort, et souvent vain, pour saisir dans un portrait tous les sentiments qu’éveille la vue d’un visage aimé, épié, redouté. Mais il fallait, pour assurer une telle réaction contre l’existence des salons et des jardins, encore d’autres causes, parmi lesquelles le développement des villes d’industrie et des maisons de rapport est une des principales, et aussi la liberté politique et même morale et religieuse, qui, en délivrant des contraintes de politesse, inclinait au vulgaire tous les visages.

On comprend d’après cela le caractère paradoxal de cet art du paysage, qui, même dans ses œuvres