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CHAPITRE VI

DU PORTRAIT

Un portrait exécuté par les seuls procédés du dessin peut être reconnu, et même, en un sens, vivre, comme vit un homme qui court, lutte, ou mange la soupe, ou bien un homme qui rit, menace ou chante. Mais le dessin, par sa nature, ne saisit bien qu’un moment, un geste, un signe de l’homme. Le vrai portrait vise plus loin ; il veut exprimer une suite d’actions, de sentiments et de projets, mais ramassés dans un moment du souvenir, sans tragédie ni comédie, sans jugement sur soi. Toute nature, quand les événements font trêve, se repose en elle-même et se réjouit d’elle-même un court instant ; la politesse et la cérémonie, loin d’y nuire, favorisent au contraire cet état naissant de la rêverie, en supprimant comme peu convenable toute mimique voulue. La bouche alors revient au repos, et l’attention du spectateur remonte à cette lumière colorée dont les yeux sont le centre. C’est là qu’apparaît cette ressemblance selon le peintre, visible aux autres dans le portrait seulement.

Le dessin souligne trop les formes sculpturales, et les fixe toujours en une certaine perspective, d’où, malgré la plus savante étude, et souvent surchargée, quelque expression d’un moment, répondant trop aux