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CHAPITRE V

DU MOUVEMENT

On ne pourrait pas citer un seul exemple de peinture en mouvement, comme de course, de bataille ou même de lutte, qui soit comparable aux beaux portraits, j’entends qui donne autant à penser sans commentaires extérieurs. Même si l’on considère la célèbre Cène, qui n’enferme pourtant que le mouvement expressif, on trouvera encore que ces signes de circonstance réduisent les visages humains au rang des caractères abstraits ; ce ne sont, au mieux, que de bons acteurs, et encore immobiles pour toujours. Il faut avouer que de telles scènes, composées d’après la variété et en quelque sorte la compensation des attitudes, donnent bien une certaine idée du mouvement par la première confusion des images, comme si un mouvement commencé par l’un était achevé par l’autre ; et c’est ce que l’on remarque aussi dans l’imitation peinte des combats ou des danses ; mais ce genre de tableaux supporte mal l’attention prolongée ; ils se laissent diviser ; bientôt toute leur richesse s’exprime en paroles, et ce passage de la peinture à l’éloquence n’est pas le signe que l’art du peintre soit ici dans son vrai chemin ; car la force du beau, dans la poésie aussi, et jusque dans la prose, est que toute traduction dans un autre lan-