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du corps humain

muscle travaillant contre les autres, d’où résulte une immobilité tendue qui va à étrangler la vie. Chacun de ces régimes dure et s’aggrave par lui-même dès qu’il est établi. Et il est suivi naturellement toujours d’un régime de compensation, où tout ce qui a travaillé se repose, où tout ce qui s’est reposé travaille. Le sommeil termine toutes les crises par la fatigue ; et la somnolence, qui dure aussi par elle-même, et où l’on sait que tous les soucis et toutes les passions sont comme éloignés de nous et incompréhensibles, peut compter aussi comme un régime. Chacun a connu de ces hommes vigoureux et trop peu occupés qui se mettent en colère une fois par jour ; mais si vous observez ce qu’il y a de colère dans un accès de toux, vous serez bien près de comprendre, en tous ses sens, le terme si expressif d’irritation, et ce genre de remarques conduit plus près des passions que ne fait l’analyse de nos pensées.

Afin de ramener strictement ce développement à notre sujet, il faut dire que le jeu de l’imagination, qui consiste principalement dans la succession de ces états corporels, est par cela même, selon l’occasion, emporté ou instable, aussi riche de mouvements que pauvre d’objets, et toujours ambigu, comme on peut observer chez les enfants qui souvent, faute d’un jeu réglé, tombent dans l’extravagance et l’incohérence, et passent du rire aux larmes, en même temps qu’ils poursuivent des images évanouissantes. Et ces observations donneront souvent occasion à un homme de rougir de l’espèce. Nous dirons amplement comment, par opposition à ce délire physiologique si commun, la poésie, l’éloquence, la musique et les cortèges plaisent et délivrent ; mais il fallait considérer dans ces préliminaires cette importante idée, car beaucoup éprouvent qu’un certain délire conduit aux arts, et c’est vrai en ce sens seulement qu’il faut que le délire soit surmonté. Ici règne la musique.