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CHAPITRE IV

DE LA TYRANNIE

Tant que la peinture fut l’esclave du monument, le peintre n’eut à inventer ni les sujets, ni les costumes, ni les dimensions. L’usage des toiles transportables lui laisse au contraire de nos jours une liberté bien dangereuse. Et la recherche d’un sujet détourne ses méditations de leur objet propre, qui est l’expression du sentiment par la forme colorée ; sans compter que l’occasion lui fournit presque toujours des modèles sans profondeur et surtout trop dociles. Là-dessus tout artiste est la dupe de l’imagination errante, qui l’occupe de projets brillants et inconsistants. L’étude d’un modèle imposé et la méditation sur une de ces scènes qui sont comme les lieux communs de la peinture, sont bien plus profitables au peintre ; et encore mieux s’il n’a pas à délibérer sur les dimensions et la place de l’œuvre, ni même sur la pose des personnages. J’ajoute que les costumes de cérémonie et les attributs, qui exigent un travail presque ornemental, ramènent utilement tout son libre jugement sur ce visage humain, où le génie exerce alors ses pénétrantes recherches. Et c’est le propre du tyran de ne céder ni sur la beauté ni sur la ressemblance, ce qui met l’artiste dans ses vrais chemins. Il y a du ridicule dans la prétention du tyran