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CHAPITRE III

DES FORMES

Il faut convenir que la peinture et le dessin se mélangent aisément, sans que l’on puisse s’en plaindre. Il y a une manière de peindre qui détermine les formes par des lignes ; et la ligne est un moyen propre du dessin. Inversement il y a des dessins sans lignes, qui sont réellement des peintures en blanc, noir et gris. Or, même s’il n’existait pas une peinture à l’état de pureté, sans aucune ligne, il faudrait encore dire que l’œuvre propre du peintre est toujours de présenter la forme par le moyen de la couleur seulement ; en quoi la peinture se distingue du dessin et même s’y oppose ; car le dessin est une sorte de sculpture des profils ; et le pur dessin ne cherche rien de plus qu’une ligne bien nette, comme on verra. Le dessin ombré ajoute à ce contour bien défini l’apparence du relief sculptural ; mais cette traduction de la sculpture est encore assez loin de la peinture véritable ; on pourrait dire qu’elle dessine toujours des statues, et qu’elle sculpte en pensée. Et l’on ne citerait pas un tableau peint de quelque valeur qui saisisse ainsi par le relief. Il me semble au contraire que le vrai peintre, à toutes les époques, exprime les parties principales dans une lumière douce et égalisée, qui fait oublier ce relief, et favorise le langage propre