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SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

par des actions compensatrices. Il faut concevoir d’abord ce troupeau de muscles, différents de forme et de puissance, et attachés sur une carcasse articulée. Chaque muscle est comme un animal qui, dans l’état de repos et d’énergie accumulée, se met en alerte, c’est-à-dire se contracte, pour les moindres causes et toujours de la même façon, passant de la forme fuselée à la forme arrondie, comme le fait autant qu’il le peut tout vivant en péril. L’expérience fait voir qu’une volonté exercée, dans les métiers et dans les arts, obtient de ce troupeau de muscles des mouvements bien coordonnés. Mais, dans le sommeil du souverain, l’expérience fait voir aussi qu’une impression inattendue ou neuve, même faible, éveille tout le troupeau en désordre, chaque muscle s’alarmant et tirant sur sa corde, ce qui, par l’inégale puissance et fatigue de chacun, et par leurs formes et positions dans le moment, produit des tumultes comme tremblement, palpitation, angoisse, peur, enthousiasme, colère, sanglots, rire.

Il est aisé de comprendre que ces mouvements éveillent encore mieux tous les muscles, et que l’attention maladroite aggrave inévitablement cette espèce de sédition corporelle comme Platon la nommait si bien. On peut distinguer, sans être fort avancé en science médicale, quelques régimes remarquables. L’anxiété d’abord, qui est agitation contenue, avec excitation du cœur, trouble de la respiration, chaleur, froid, sueur ; puis l’emportement, qui est une agitation croissant par ses propres effets, et qui nous conduit à faire selon une violence augmentée, et jusqu’aux limites de nos forces, ce que nous avons une fois commencé, comme frapper, courir, crier ; l’irritation, qui est propre aux actions pénibles, et qui redouble par l’inflammation produite en quelque point sensible ; c’est par l’irritation que l’on tousse, que l’on se gratte, et que la fatigue de la gorge pousse à parler et à forcer la voix ; la contracture, qui est un état singulier, dans lequel le souverain interdit toute action, mais sans se posséder tout à fait, chaque