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CHAPITRE IV

DU CORPS HUMAIN

Le corps humain est le tombeau des dieux. Les hommes ont cherché longtemps d’où venaient leurs rêves, leurs passions, leurs impulsions, et aussi les grâces soudaines, allégements et délivrances, sans faire assez attention à ce mécanisme qui s’éveille, s’emporte, s’irrite, s’étrangle de lui-même, et, l’instant d’après, s’apaise, se relâche, se desserre, bâille, s’étire et dort, selon ses propres lois et sans souci de nos jugements et prières, tant que nous n’avons pas l’idée simple de le mouvoir selon nos puissances connues, j’entends de le promener, de l’asseoir, de le coucher, de l’exercer, de le masser enfin de mille façons. Ce petit royaume qui est à nous nous est trop près, et personne ne s’en défie assez. Qui aura l’idée de deux ou trois mouvements gymnastiques pour apaiser une colère, ou de s’étirer ou de bâiller pour se faire dormir ? Il a fallu de longs détours de doctrine pour mettre l’homme à genoux, dans cette position si favorable pour pardonner au monde, aux autres et à soi.

Mais il faut décrire, selon une physiologie sommaire, ces étranges régimes de mouvement et de repos qui ont tous pour caractère de s’entretenir d’abord d’eux-mêmes, et de se transformer ensuite