Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
262
SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

l’attention s’y attache et y subordonne tout. La même chose est à dire de ces traits qui assurent aussitôt la ressemblance, et auxquels on n’ose plus toucher. Certes ce ne serait pas beaucoup si l’on donnait à un visage d’homme cette expression si frappante, et dépourvue de signification, que l’on donne si aisément à la face d’un lion de pierre. Mais il est encore plus indigne d’un artiste de représenter Napoléon par le petit chapeau et la redingote grise. On voit que le sculpteur a ici plus d’un artifice à faire d’abord, et que, lorsqu’il masque ou supprime le corps, ce n’est qu’une précaution de méthode.

Du visage lui-même, tel qu’il s’offre, il y a beaucoup à rabattre. Il est clair que la coupe des cheveux, comme le port de la barbe ou de la moustache, ont plutôt pour effet de donner une expression trompeuse, qui cache quelquefois la vraie. C’est un art difficile de rabaisser ces accessoires au rang du costume, et cet exemple fait bien voir qu’il y a quelque chose à chercher hors de la première apparence. Il faut toujours que la vraie forme apparaisse. On la saisit mieux dans une suite de mouvements, et le sculpteur use bien de ce moyen pour la saisir, mais il lui manque pour l’exprimer. Or les mouvements expressifs cachent aussi la forme, surtout lorsque le passage d’un mouvement à un autre, ou le repos d’un petit moment, allaient la faire apparaître. Il faut donc premièrement que le sculpteur saisisse la forme sans l’expression, par une longue observation du modèle en mouvement ; et c’est alors que le dessin prépare utilement la sculpture. Mais quand il passera à l’exécution, il lui faudra pensée et volonté, ou en un mot jugement, pour maintenir la forme, car c’est le modèle de son modèle. Et il n’y a point de crâne ni de mâchoires, ni de muscles forts dans la glaise. Le marbre, il est vrai, se défend mieux ; mais enfin il permet tout, écartant seulement les recherches anarchiques, si funestes au modeleur.

Si donc le sculpteur ne veut sculpter des attributs sans substance, comme on voit souvent, il sculptera