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SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

passion, par exemple si la peur me fait croire que le bruit d’une porte est un coup de canon. Et comme ces émotions et passions, autant qu’elles m’emportent, consistent dans le tumulte corporel, fait de chaleur, froid, frémissement, actions commencées et retenues, il apparaît que la puissance de l’imagination se définit encore une fois par ce mécanisme du corps qui change l’action des choses, et en même temps nous dispose à les croire présentes et agissantes sans un suffisant examen. Disons donc que la perception est une recherche du vrai de l’objet par une enquête qui élimine, autant que possible, ce qui tient à la situation et à l’état de notre corps, au lieu que l’imagination consiste principalement à se fier au premier témoignage, impression et émotion mêlées, c’est-à-dire comme a parlé Descartes, à juger de la présence, de la situation et de la nature des objets d’après l’ordre des affections du corps humain. Ainsi l’image qui n’est qu’image, l’image trompeuse, retombe au corps humain. Dans le fait, que reste-t-il d’une peur d’imagination, sinon la seule présence, et si proche, de ce corps frémissant et armé ?