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CHAPITRE IX

DES MACHINES

Aristote dit que la nature est principe dans la chose même, et l’art hors de la chose. C’est beaucoup dire en peu de mots, comme il a coutume. Mais il faut remarquer que l’art ainsi défini est plutôt de l’ingénieur que de l’artiste. Et comme il faut enfin traiter des machines modernes et de tout ce qui s’y rapporte, cette riche formule convient pour définir ces machines-là. Une machine, dans le sens moderne et plein du mot, serait donc une œuvre d’homme dans laquelle rien d’humain n’est enfermé. L’âge du fer, dans son plein développement, correspond à ce genre d’œuvres où la matière ne mêle plus sa forme propre, mais prend la forme même qui convient à l’usage et qui répond au plan. Ainsi l’idée s’y marque, mais non le jugement ; mais aussi on ne dit pas d’ordinaire que de telles œuvres sont belles. Par exemple une pièce de bois montre encore sa forme naturelle, par les fibres et les nœuds ; et l’œuvre de bois peut plaire par ce jugement qui a réglé l’œuvre d’après le bois que l’on avait. Mais le fer n’a point de nœuds ni de fibres ; la forme qu’il reçoit lui est étrangère ; aussi l’action humaine va droit à l’utile, sans ces arrêts, ces détours et ces repos contents que l’ornement exprime si bien. Autrement dit, l’idée détermine absolument la partie d’après le tout, au lieu que le jugement s’exerce contre l’obstacle, et règle son action