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SYSTÈME DES BEAUX-ARTS

que peinture. Mais chacun peut remarquer aussi que l’étoffe drapée selon les nécessités du costume rend la broderie bien plus belle. Une grecque qui borde un vêtement est plus belle sur l’homme et dans le mouvement qu’étalée. Les remarques de ce genre sont fort utiles en des sujets où tout a été proposé et soutenu. L’histoire de tous les arts se développe de chef-d’œuvre en chef-d’œuvre à travers des erreurs de goût continuelles et incompréhensibles. Toutefois il en sort un enseignement assez clair, c’est qu’un art trop libre s’égare toujours. On dirait bien que l’art est la parure de l’œuvre, et que toute œuvre est d’artisan. Car il est clair que la liberté n’est point hors des œuvres ; et, comme on fait de nécessité vertu, ainsi fait-on de nécessité ornement et beauté. En bref il faut toujours qu’une forme saisisse et enferme quelque chose. Autrement dit, il faut que la forme soit objet. Or une chose a mille formes ; et la chose vivante passe d’une forme à l’autre sous le regard. La chose humaine surtout, qui change par le regard même ; et cette agitation est mensonge toujours ; l’être s’y cache, comme Protée. Aussi ce n’est pas une faible puissance, dans les arts qui viennent maintenant, de représenter toujours l’immobile, et le mouvement même par l’immobile. Mais la sévère, architecture ne permet même pas ces statues libres qu’on voit dans les jardins, et qui marchent par la promenade ; tout est collé à l’édifice ; les formes rentrent dans les murailles. Beautés enchaînées. Ce qui reste alors d’un homme, d’une fleur, d’un feuillage, dit beaucoup, s’il parle encore. Enfin la répétition même, dans l’ornement, s’oppose encore à cette mobilité et instabilité qui est la faute de l’esprit. La science, parce qu’elle manque d’une matière forte, n’y réussit point. Et peut-être n’y a-t-il que les belles choses qui posent l’esprit.