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CHAPITRE II

DES PERSPECTIVES

Depuis que l’architecture savante a voulu remplacer l’architecture populaire, on a senti, par les effets, qu’il était difficile de construire un beau monument d’après un dessin tracé sur le papier. C’est qu’il faudrait des milliers de dessins pour représenter les aspects d’un édifice et le passage d’un aspect à l’autre. Un architecte de grande valeur a pourtant mal terminé une église gothique de Rouen, et je crois deviner pourquoi. Il a dessiné des flèches harmonieuses à voir de loin, et telles qu’un dessin d’architecte peut les représenter ; mais le terrain n’offre pas tant de recul, et il fallait compter aussi avec le passant qui lève les yeux sans s’arrêter. Chacun a pu remarquer comme les cathédrales se montrent bien au détour des petites rues, et comment les lignes qui s’entrecoupent font soudain apparaltre la grandeur. Sous la voûte ces effets de perspective sont encore plus puissants, mais c’est notre mouvement surtout qui, en déplaçant les lignes, creuse comme il faut ces profondeurs. Du dehors aussi la cathédrale s’agrandit, dès qu’on marche, par les déplacements apparents de chaque partie, lesquels sont plus sensibles, comme chacun sait, lorsque les parties lointaines et les rapprochées entrecoupent leurs formes. Ainsi cette