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CHAPITRE VI

DE LA DÉCLAMATION
ET DU MOUVEMENT

Je dirais à l’acteur, en peu de mots, qu’il faut que sa déclaration soit une musique encore. Mais la poésie l’y conduit plus impérieusement que la musique peut-être, et je crois que les mauvais déclamateurs gâtent plus souvent la belle musique que les beaux vers. Une des puissances de notre alexandrin est qu’il résiste assez bien à ces récitants trop agités qui voudraient un geste et une inflexion pour chaque mot. Le théâtre y aide encore par ses conditions physiques ; car il faut, avant tout, que la voix soit entendue partout, sans cette attention pénible qu’exigent un débit inégal et des éclats inattendus. La voix cherche donc un ton soutenu qui convienne à l’édifice ; et c’est par là qu’il y a un rapport entre le génie théâtral et les dimensions de l’amphithéâtre. Pour les gestes, ils suivent naturellement la parole, j’entends qu’ils sont tranquilles, composés et enchaînés, par cette raison suffisante que tout mouvement violent modifie et altère la parole.

Napoléon disait qu’un homme en haut lieu, et que tous regardent, ne peut se permettre des mouvements violents. L’acteur est ainsi, et encore bien plus que le roi, puisqu’il doit gouverner cette foule par l’expres-