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DU DRAME MUSICAL

La musique suit et exprime tous les mouvements de ce drame mystique, mais elle ne se prête à aucun autre.

Il faut prendre le changement du drame musical en notre temps comme une victoire de la musique, qui efface les vains bruits de l’histoire. C’est par l’exigence de la musique, enfin reine sur le théâtre, que les drames de Wagner ont cette simplicité monastique. La tentation, la chute, l’épreuve, la victoire, la récompense, ce sont les thèmes de la messe solennelle, mais trop peu réglés peut-être, quant au développement et à la durée, par ces vieilles légendes germaniques. Le drame musical, parce qu’il se joue entre les passions et la force d’âme seulement, est par lui-même informe, sans mesure, sans terminaison ; car c’est toujours dans le resserrement des choses que la vertu éclate et décide. Ainsi la plus haute musique peut-être, et la plus séparée, veut être prise plus étroitement dans la nécessité étrangère. C’est pourquoi les décors de théâtre sont ici trop minces ; et la messe, à défaut d’un autre rite commun et consacré, convient mieux sans doute, par ses divisions strictes, par ses décisions, par sa terminaison pressée ; on y sent mieux que l’épreuve du dehors attend la vertu régénérée, ce qu’expriment fortement ces voûtes séculaires et ces forts piliers qui enracinent le tout, et aussi ces contreforts et ces échoppes du dehors qui lient si bien les pierres de l’église aux pierres de la ville. Enfin le drame musical n’est point de luxe, mais de nécessité, et pour les pauvres. Ce serait le chant populaire des villes, peut-être. Considérant donc cette vie resserrée, ces travaux pressants, cet oubli des saisons et ces heures mécaniques, où la nécessité doit être vaincue d’instant en instant, vous trouverez, sans rien méconnaître, le sévère jugement qui convient devant la prolixité wagnérienne.