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CHAPITRE V

DES INSTRUMENTS

Je veux considérer ici non pas les ressources de l’orchestre, mais seulement les instruments les plus parfaits et qui ont le plus contribué à changer l’inspiration musicale. Tels sont le violon, l’orgue et le piano. Le violon est le plus humain, j’entends celui qui dépend le plus des mouvements et de l’équilibre du corps humain ; c’est aussi le moins mécanique des trois et celui que la science a modifié le moins. La forme du violon s’est conservée en s’adaptant, à la manière des formes animales ; les meilleurs violons ont été naturellement préservés, transmis, et plus tard copiés scrupuleusement, ce qui a fini par fixer de petites différences dues au hasard. Tout le progrès ici s’est donc fait par la tradition et par un culte aveugle du passé ; et la passion des collectionneurs, bien qu’étrangère quelquefois à l’amour de la musique, a pourtant servi la musique. L’art du luthier a ainsi tous les caractères d’un culte ; la musique n’est plus dans l’homme mais elle est partout dans les choses autour ; un violon sonne merveilleusement chez un luthier par toutes ces caisses de résonance suspendues ; mais il se peut qu’un luthier n’entende rien à la musique. Toujours est-il que de ces travaux de sourds résultent d’autres chants, si l’on peut encore