Page:Alain - Système des Beaux-Arts.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE II

DES SONS ET DE LA MÉLODIE

La voix naturelle est un bruit ; surtout dès qu’elle augmente par les passions, elle change continuellement, va au suraigu et au grinçant, et enfin ne représente rien qu’une agitation indéterminée. Mais la voix, surtout dans la jeunesse, dans la force, ou dans la sécurité, se pose quelquefois d’elle-même, et s’imite elle-même en croissant et décroissant ; l’attention du parleur se porte alors sur le signe même et se plaît à le prolonger. Ainsi se font les signaux accoutumés dans la vie des champs, au lieu que les signaux d’alarme sont des cris. C’est pourquoi une belle voix humaine fait toujours penser à la paix des campagnes ; et l’on pourrait même dire que tout chant est campagnard ; c’est pourquoi il plaît à la ville, comme toute paysannerie.

Le son, même pur, même étudié, ne peut rester longtemps le même, par cette loi qui veut que l’on change d’attitude ; mais le passage insensible d’un ton à l’autre ressemble au cri ; le chanteur ne peut plus s’écouter et se suivre. Le chant naturel consiste sans doute en de tels passages, mais courts et toujours terminés par quelque son soutenu et reconnaissable ; et il est rare que le chant le plus parfait soit exempt de tâtonnements ; toutefois il est vrai que le