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Système des beaux-arts

arrivé, il me semble, par un bonheur de ce sujet solide entre tous, que, par les distinctions et oppositions, la liaison s’affirmait d’elle-même d’autant plus serrée par les différences, ce que le mot système, dans son vrai sens, exprime assez bien.

Au sujet de la doctrine de Kant il suffisait d’avertir que je m’y accorde toujours en ce qui suit, sans avoir jamais à l’invoquer. J’ai dû procéder autrement à l’égard d’une idée directrice non moins importante, que j’ai trouvée en Descartes, mais que le Prince de l’Entendement n’a nullement approchée du présent sujet. Je veux parler de l’imagination comme fonction ou puissance humaine, mais essentiellement définie par le mécanisme et les affections du corps humain. Cette importante idée n’a certainement pas été assez suivie par ceux qui ont tenté de décrire convenablement la nature humaine sans esprit de système ; et, par une conséquence naturelle, elle est ignorée de ceux qui réfléchissent volontiers sur les Beaux-Arts ; c’est pourquoi il ne m’a pas paru inutile de l’analyser avec suite. Mais il ne faut pas attendre d’après cela que quelque règle des arts soit tirée de cette idée-là ; car ce sont les œuvres qui donnent la règle ; en sorte que l’étude des différents arts serait ici comme la vérification d’une doctrine de l’imagination d’abord proposée. Et comme cette méthode, qui consiste à exposer et expliquer autant que l’on peut, sans jamais tenter de rien prouver, risque d’étonner les esprits jeunes, communément formés par l’argumentation et les polémiques, il faut donc que j’ajoute ici un troisième avertissement.

On prouve tout ce qu’on veut, et la vraie difficulté est de savoir ce qu’on veut prouver. En ces jours de passions et de partis pris, ce fait humain a été éclairé d’une assez vive lumière, et toute preuve est à mes yeux assez clairement déshonorée pour que je m’abstienne désormais de toute éloquence. Or cette autre méthode, qui ramène toute doctrine à l’exposé analytique, convient en tous sujets, mais j’avais remarqué depuis longtemps que, dès que l’on veut traiter de