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XXVI

HERCULE

L’homme n’a de ressource que dans sa propre volonté ; idée aussi ancienne que les religions, les prodiges et les malheurs ; en revanche, idée qui, par sa nature, est vaincue en même temps que la volonté elle-même ; car la force d’âme se prouve par les effets. Hercule se donnait à lui-même ce genre de preuve jusqu’au jour où il se crut esclave ; il préféra alors une mort éclatante à une misérable vie. Ce mythe est le plus beau ; je voudrais que l’on fît réciter aux enfants les œuvres d’Hercule, afin qu’ils apprissent à surmonter les forces extérieures ; car cela même c’est vivre, et l’autre parti, le lâche parti, n’est que le parti de mourir longtemps.

J’aime un garçon qui réfléchit en surmontant, et qui, au tournant mal pris, dit d’abord : « C’est ma faute », et cherche sa propre faute et se bourre cordialement les côtes. Mais que faire de l’automate à forme humaine qui cherche toujours excuse dans les choses et les gens autour ? Il n’y a point de joie par là ; car il est trop clair que les choses et gens autour n’ont point égard au malheureux ; aussi ses pensées suivent le vent, comme les feuilles en cette