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PROPOS SUR LE BONHEUR

c’est ce qui se voit. On jure de tout, comme de tousser pour la fumée. Chacun a connu de ces tyrans domestiques. Celui qui souffre d’insomnie jure de ne point dormir. Et s’il décrète que le moindre bruit le réveille, le voilà à guetter tous les bruits et à accuser toute la maison. Cela va jusqu’à s’irriter d’avoir dormi, comme d’avoir manqué de vigilance à l’égard de son propre caractère. On fait infatuation de tout, et même de perdre aux cartes, comme j’ai vu.

Il y a des gens qui se mettent à croire qu’ils n’ont plus de mémoire, ou bien qu’ils ne trouvent plus leurs mots. Ici la preuve ne se fait pas attendre, et cette comédie de bonne foi tourne quelquefois en tragédie. On ne peut nier les réelles maladies et les effets de l’âge ; mais les médecins ont depuis longtemps remarqué ce redoutable esprit de système qui fait que le malade cherche les symptômes, et trop aisément les trouve. Cette amplification fait presque le tout des passions et une bonne part des maladies, surtout mentales. Charcot en vint à ne plus croire du tout ce que ses malades disaient d’elles-mêmes ; et l’on peut affirmer que certaines maladies ont disparu ou presque par l’incrédulité des médecins.

L’ingénieux système de Freud, un moment célèbre, perd déjà de son crédit par ceci, qu’il est trop facile de faire croire tout ce que l’on veut à un esprit inquiet et qui, comme dit Stendhal, a déjà son imagination pour ennemie. Sans compter que les choses du sexe, qui sont le dessous de ce système, sont justement de celles qui comptent par l’importance qu’on leur donne et par une sorte de sauvage poésie