Page:Alain - Propos sur le Bonheur (ed. 1928).djvu/59

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
sur la mort

que peut-il faire ? Que peut-il vouloir ? N’importe quelle idée qui lui vient est niée aussitôt par l’idée contraire, car les possibles sont sans bornes ; ainsi les maux renaissent toujours, sans aucun progrès. Toutes ses actions sont des commencements qui s’entrecoupent et se nouent. Je crois qu’il n’y a pas autre chose dans la peur qu’une agitation sans résultat, et que la méditation augmente toujours la peur. Les hommes craignent la mort dès qu’ils y pensent ; je le crois bien ; mais que ne craignent-ils pas, dès qu’ils pensent sans faire ? Que ne craignent-ils pas, dès que leur pensée se perd dans les simples possibles ? On peut avoir la colique par la seule pensée d’un examen. Ne croirait-on pas, à ce mouvement des entrailles, que quelque fer les menace ? Mais non. C’est l’irrésolution, par l’absence d’objet, qui leur met le feu au ventre.

20 août 1923.