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drames

De même, dans ces souvenirs du naufrage, chaque moment est éclairé par ce qui va suivre. Ainsi l’image de ce bâtiment tout éclairé, tranquille, solide sur la mer, était rassurante dans le moment ; dans le souvenir, dans les rêves qu’ils en auront, dans l’image que je m’en fais, c’est le moment d’une attente horrible. Le drame se déroule maintenant pour un spectateur qui sait, qui comprend, qui goûte l’agonie minute par minute ; mais, dans l’action même, ce spectateur n’existe pas. La réflexion manque ; les impressions changent en même temps que le spectacle ; et, pour mieux dire, il n’y a point de spectacle, mais seulement des perceptions inattendues, non interprétées, mais liées, et surtout des actions qui submergent les pensées ; un naufrage des pensées à chaque instant ; chaque image apparaît et meurt. L’événement a tué le drame. Ceux qui sont morts n’ont rien senti.

Sentir, c’est réfléchir, c’est se souvenir. Chacun a pu observer la même chose, dans les petits et grands accidents ; la nouveauté, l’inattendu, l’action pressante occupent toute l’attention, sans aucun sentiment ; celui qui essaie, en toute sincérité, de reconstruire l’événement lui-même, voudrait dire qu’il vivait comme dans un rêve, sans comprendre, sans prévoir ; mais la terreur qu’il éprouve maintenant en y pensant l’entraîne à un récit dramatique. Il en est ainsi dans les grands chagrins, lorsque l’on suit la maladie de quelqu’un jusqu’à sa mort. On est alors comme stupide et tout entier aux actions et aux perceptions de chaque moment. Même si l’on donne aux autres l’image de la terreur et du désespoir, ce n’est pas à ce moment-là que