XIV
DRAMES
Les réchappés de ce grand naufrage ont des souvenirs terrifiants. Cette muraille de glace qui se montre au hublot, cette hésitation et cette espérance d’un moment ; puis le spectacle de ce grand bâtiment illuminé sur cette mer tranquille ; puis l’avant qui s’abaisse ; les lumières qui s’éteignent soudain ; les hurlements, aussitôt, de dix-huit cents personnes ; l’arrière du bateau se dressant comme une tour, et les machines tombant vers l’avant avec un bruit de cent tonnerres ; enfin ce grand cercueil glissant sous les eaux presque sans remous ; la nuit froide régnant sur la solitude ; après cela le froid, le désespoir, et enfin le salut. Drame refait bien des fois pendant ces nuits où ils ne dormirent point ; où les souvenirs sont maintenant liés ; où chaque partie prend sa signification tragique, comme dans une pièce bien composée.
Quand le jour se lève au château, dans Macbeth, il y a un portier qui regarde le jour naissant et les hirondelles ; tableau plein de fraîcheur et de simplicité etde pureté ; mais nous savons que le crime a été commis. L’horreur tragique est ici au comble.