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XI

MÉDECINE

« Je connais, dit l’homme de science, un nombre important de vérités, et je forme une idée suffisante de celles que j’ignore. Je sais ce que c’est qu’une machine, et comment il arrive qu’un écrou sautant détruit tout, faute d’un peu de soin, faute d’une attention de quelques minutes, et toujours parce que l’homme de l’art n’a pas été consulté en temps opportun. C’est pourquoi je réserve une part de mon temps pour la surveillance de cette machine composée que j’appelle mon corps. C’est pourquoi, dès qu’il y a symptôme de frottement ou grincement, je me livre à l’homme de l’art pour qu’il explore la partie malade ou supposée telle. Et par ces soins, selon les avertissements de l’illustre Descartes, je suis assuré, les coups du sort mis à part, de prolonger ma vie autant que le comporte l’instrument que j’ai reçu de mes pères. Et voilà ma sagesse. » Il parlait ainsi, mais il vivait tristement.

« Je connais, dit le liseur, un nombre important d’idées fausses qui compliquèrent la vie des hommes dans les temps de crédulité. Ces erreurs m’ont instruit de vérités importantes, dont nos savants se