la fin. Chacun cherche à vivre, et non à mourir ; et cherche ceux qui vivent, j’entends ceux qui se disent contents, qui se montrent contents. Quelle chose merveilleuse serait la société des hommes, si chacun mettait de son bois au feu, au lieu de pleurnicher sur des cendres !
Remarquez que ces règles furent celles de la société polie ; et il est vrai qu’on s’y ennuyait, faute de parler librement. Notre bourgeoisie a su rendre aux propos de société tout le franc-parler qu’il y faut ; et c’est très bien. Ce n’est pourtant pas une raison pour que chacun apporte ses misères au tas ; ce ne serait qu’un ennui plus noir. Et c’est une raison pour élargir la société au-delà de la famille ; car, dans le cercle de famille, souvent, par trop d’abandon, par trop de confiance, on vient à se plaindre de petites choses auxquelles on ne penserait même pas si l’on avait un peu le souci de plaire. Le plaisir d’intriguer autour des puissances vient sans doute de ce que l’on oublie alors, par nécessité, mille petits malheurs dont le récit serait ennuyeux. L’intrigant se donne, comme on dit, de la peine, et cette peine tourne à plaisir, comme celle du musicien, comme celle du peintre ; mais l’intrigant est premièrement délivré de toutes les petites peines qu’il n’a point l’occasion ni le temps de raconter. Le principe est celui-ci : si tu ne parles pas de tes peines, j’entends de tes petites peines, tu n’y penseras pas longtemps.
Dans cet art d’être heureux, auquel je pense, je mettrais aussi d’utiles conseils sur le bon usage du mauvais temps. Au moment où j’écris la pluie tombe ; les tuiles sonnent ; mille petites rigoles bavardent ; l’air est lavé et comme filtré ; les nuées