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XC

QUE LE BONHEUR EST GÉNÉREUX

Il faut vouloir être heureux et y mettre du sien. Si l’on reste dans la position du spectateur impartial, laissant seulement entrée au bonheur et portes ouvertes, c’est la tristesse qui entrera. Le vrai du pessimisme est en ceci que la simple humeur non gouvernée va au triste ou à l’irrité ; comme on voit par l’enfant inoccupé, et l’on n’attend pas longtemps. L’attrait du jeu, si puissant à cet âge, n’est pas celui d’un fruit qui éveille la faim ou la soif ; mais plutôt j’y vois une volonté d’être heureux par le jeu, comme on voit que sont les autres. Et la volonté trouve ici sa prise, parce qu’il ne s’agit que de se mouvoir, de fouetter la toupie, de courir et de crier ; choses que l’on peut vouloir, parce que l’exécution suit aussitôt. La même résolution se voit dans les plaisirs du monde, qui sont plaisirs par décret, mais qui exigent aussi que l’on s’y mette par le costume et l’attitude, ce qui soutient le décret. Ce qui plaît surtout au citadin dans la campagne, c’est qu’il y va ; l’agir porte le désirer. Je crois que nous ne savons pas bien désirer ce que nous ne pouvons faire, et que l’espérance non aidée est toujours triste. C’est