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LXXXI

VŒUX

Tous ces souhaits et tous ces vœux, floraison de janvier, ce ne sont que des signes ; soit. Mais les signes importent beaucoup. Les hommes ont vécu pendant des siècles de siècles d’après des signes comme si tout l’univers, par les nuages, la foudre et les oiseaux, leur souhaitait bonne chasse ou mauvais voyage. Or, l’univers n’annonce qu’une certaine chose après une autre ; et l’erreur était seulement d’interpréter ce monde comme un visage qui aurait approuvé ou blâmé. Nous sommes à peu près guéris de nous demander si l’univers a une opinion, et laquelle. Mais nous ne serons jamais guéris de nous demander si nos semblables ont une opinion, et laquelle. Nous n’en serons jamais guéris, parce que cette opinion, dès qu’elle est signifiée, change profondément la nôtre.

Chose digne de remarque, on se trouve plus fort contre une opinion appuyée de raisons, et en paroles explicites, que contre une opinion muette. Le premier genre d’opinion, qui est conseil, il faut souvent le mépriser ; l’autre, on ne peut le mépriser. Il nous prend plus bas ; et, comme nous ne savons pas