qu’on puisse dire aussi qu’il est tout dans le corps. Cette agitation qui chasse le sommeil ne vient que de ces vaines résolutions qui ne décident rien, et qui sont lancées à chaque fois dans le corps, et qui le font sauter comme poisson sur l’herbe. Il y a de la violence dans l’irrésolution. « C’est dit ; je romprai tout » ; mais la pensée offre aussitôt des moyens d’accommoder. Les effets paraissent, d’un parti et de l’autre, sans jamais aucun progrès. Le bénéfice de l’action réelle est que le parti que l’on n’a point pris est oublié, et, à parler proprement, n’a plus lieu, parce que l’action a changé tous les rapports. Mais agir en idée, ce n’est rien, et tout reste en l’état. Il y a du jeu dans toute action ; car il faut bien terminer les pensées avant qu’elles aient épuisé leur sujet.
J’ai souvent pensé que la peur, qui est la passion nue, et la plus pénible, n’est autre chose que le sentiment d’une irrésolution, si je puis dire, musculaire. L’on se sent sommé d’agir et incapable. Le vertige offre un visage de la peur encore mieux nettoyé, puisque le mal ne vient ici que d’un doute qu’on ne peut surmonter. Et c’est toujours par trop d’esprit que l’on souffre de peur. Certainement le pire dans les maux de ce genre, comme aussi dans l’ennui, est que l’on se juge incapable de s’en délivrer. L’on se pense machine et l’on se méprise. Tout Descartes est rassemblé en ce jugement souverain où les causes se montrent et aussi le remède. Vertu militaire ; et je comprends que Descartes ait voulu servir. Turenne remuait toujours, et ainsi se guérissait du mal d’irrésolution, et le donnait à l’ennemi.