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LXXVI

L’HYMNE AU LAIT

Je trouve en Descartes cette idée que la passion de l’amour est bonne pour la santé, et la haine, au contraire, mauvaise. Idée connue, mais non assez familière. Pour mieux dire, on n’y croit point. On en rirait, si Descartes n’était presque autant au-dessus de la moquerie que sont Homère ou la Bible. Ce ne serait pourtant pas un petit progrès si les hommes s’avisaient de faire par amour tout ce qu’ils font par haine, choisissant, en ces choses mêlées qui sont hommes, actions et œuvres, toujours ce qui est beau et bon pour l’aimer ; et c’est le plus puissant moyen de rabaisser ce qui est mauvais. En bref, il est meilleur, il est plus juste, il est plus efficace d’applaudir à la bonne musique que de siffler à la mauvaise. Pourquoi ? Parce que l’amour est physiologiquement fort, et la haine physiologiquement faible. Mais le propre des hommes passionnés est de ne pas croire un seul mot de ce que l’on écrit sur les passions.

Il faut donc comprendre par les causes ; et je trouve aussi ces causes en Descartes. Car quel est, dit-il, notre premier amour, notre plus ancien amour,