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CONSOLATION

singeries vous tireront des larmes, de vraies larmes ; vous porterez un moment toutes les peines de tous les hommes par la vertu d’une mauvaise déclamation. L’instant d’après, vous serez à mille lieues de vous-même et de toutes les peines, en plein voyage. Le chagrin et la consolation se posent et s’envolent comme des oiseaux. On en rougirait ; on rougirait de dire comme Montesquieu : « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé » ; il est pourtant clair que, si on lit vraiment, on sera à ce qu’on lit.

Un homme qui va à la guillotine, dans un fourgon, est à plaindre ; pourtant, s’il pensait à autre chose, il ne serait pas plus malheureux dans son fourgon que je ne suis maintenant. S’il compte les tournants ou les cahots, il pense aux tournants et aux cahots. Une affiche vue de loin, et qu’il essaierait de lire, pourrait bien l’occuper au dernier moment ; qu’en savons-nous ? Et qu’en sait-il ?

J’ai eu le récit d’un camarade qui s’est noyé. Il était tombé entre un bateau et le quai, et resta sous la coque un bon moment ; on le retira inanimé ; il revint donc de la mort, on peut le dire. Voici ses souvenirs. Il se trouva dans l’eau les yeux ouverts, et il voyait devant lui flotter un câble ; il se disait qu’il aurait pu le saisir, mais il n’en avait point l’envie ; cette vue d’eau verte et de câble flottant emplissait sa pensée. Tels furent ses derniers moments, d’après ce qu’il m’a raconté.