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PROPOS SUR LE BONHEUR

vail déterminé, après lequel ils se reposeront ; cette idée, qu’ils gagneront peut-être une demi-heure à la fin de la journée, les met en mouvement et tous d’accord pour faire vite ; mais une fois ce problème posé, c’est le problème lui-même qui leur plaît ; et le plaisir d’inventer, de réaliser, de vouloir et puis de faire, l’emporte de beaucoup sur le plaisir qu’ils se promettent de cette demi-heure, qui ne sera toujours qu’une demi-heure de bagne. Et j’imagine que, si elle est passable, ce sera encore par le souvenir tout chaud de ce travail si vivement mené. Le plus grand plaisir humain est sans doute dans un travail difficile et libre fait en coopération, comme les jeux le font assez voir.

Il y a des pédagogues qui rendraient les enfants paresseux pour toute la vie, simplement parce qu’ils veulent que tout le temps soit occupé ; l’enfant s’habitue alors à travailler lentement, c’est-à-dire à travailler mal ; le résultat est une espèce de fatigue accablante, continuellement mêlée au travail ; au lieu que si vous séparez le travail et la fatigue, tous deux sont agréables. Les travaux languissants ressemblent à ces promenades que l’on fait seulement pour marcher et pour prendre de l’air. On est fatigué tout le temps de la promenade ; on ne l’est plus quand on rentre. Tandis que dans le travail le plus pénible on se sent infatigable et léger ; ensuite on jouit d’une détente parfaite et enfin d’un bon sommeil.

6 novembre 1911.