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XLIX

TRAVAUX

Dans les Souvenirs de la maison des morts, Dostoïewski nous fait voir des forçats au naturel, toutes les hypocrisies de luxe, si l’on peut dire, sont enlevées ; et quoiqu’il leur reste encore des hypocrisies de nécessité, le fond de l’être humain apparaît quelquefois.

Les forçats travaillent, et souvent leurs travaux sont assez inutiles ; par exemple ils démolissent un vieux bateau pour faire du bois, dans un pays où le bois ne coûte presque rien. Ils le savent bien ; aussi, tant qu’ils travaillent tout le long du jour, sans aucune espérance, ils sont paresseux, tristes et maladroits. Mais si on leur donne une tâche pour la journée, tâche lourde et difficile, aussitôt les voilà adroits, ingénieux et joyeux. Ils le sont encore plus dès qu’il s’agit d’un travail réellement utile, comme d’enlever la neige. Mais il faut lire ces pages étonnantes où l’on trouve une description vraie et sans commentaire. On y voit que le travail utile est par lui-même un plaisir ; par lui-même, et non par les avantages qu’on en retirera. Par exemple, ils font vivement et gaiement un tra-