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ARISTOTE

l’ouvrier invente et apprend toujours. Mais, outre que la perfection mécanique apporte l’ennui, c’est un grand désordre aussi quand l’ouvrier n’a point de part à l’œuvre, et toujours recommence, sans posséder ce qu’il fait, sans en user pour apprendre encore. Au contraire, la suite des travaux et l’œuvre promesse d’œuvre est ce qui fait le bonheur du paysan, j’entends libre et maître chez lui. Toutefois il y a grande rumeur de tous contre ces bonheurs qui coûtent tant de peine, et toujours par la funeste idée d’un bonheur reçu que l’on goûterait. Car c’est la peine qui est bonne, comme Diogène dirait ; mais l’esprit ne se plaît point à porter cette contradiction ; il faut qu’il la surmonte, et, encore une fois, qu’il fasse plaisir de réflexion de cette peine-là.

15 septembre 1924.