Page:Alain - Propos sur le Bonheur (ed. 1928).djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
PROPOS SUR LE BONHEUR

est plus facile à des soldats d’aller la chercher que de l’attendre ; et l’on aime mieux la destinée que l’on se fait que celle que le temps apporte. Il y a donc une poésie dans la guerre qui fait que l’on ne hait même plus l’ennemi. C’est cette ivresse de liberté qui fait comprendre la guerre et toutes les passions. Une peste est imposée ; une guerre est comme inventée, à la manière des jeux. C’est pourquoi il me semble que la prudence n’est pas un gage de paix qui suffise ; c’est par l’amour de la justice que l’on supporte la paix ; et c’est parce que la justice est difficile à faire, plus difficile qu’un pont ou qu’un tunnel, c’est pour cela que la paix sera ; seulement pour cela.

3 avril 1911.