plaisir, ou un bonheur, pour mieux parler. Le boxeur n’aime pas les coups qui viennent le trouver ; mais il aime ceux qu’il va chercher. Il n’est rien de si agréable qu’une victoire difficile, dès que le combat dépend de nous. Dans le fond, on n’aime que la puissance. Par les monstres qu’il cherchait et qu’il écrasait, Hercule se prouvait à lui-même sa puissance. Mais dès qu’il fut amoureux, il sentit son propre esclavage et la puissance du plaisir ; tous les hommes sont ainsi ; et c’est pourquoi le plaisir les rend tristes.
L’avare se prive de beaucoup de plaisirs, et il se fait un bonheur vif, d’abord en triomphant des plaisirs, et aussi en accumulant de la puissance ; mais il veut la devoir à lui-même. Celui qui devient riche par héritage est un avare triste, s’il est avare ; car tout bonheur est poésie essentiellement, et poésie veut dire action ; l’on n’aime guère un bonheur qui vous tombe ; on veut l’avoir fait. L’enfant se moque de nos jardins, et il se fait un beau jardin, avec des tas de sable et des brins de paille. Imaginez-vous un collectionneur qui n’aurait pas fait sa collection ?
Je crois assez que ce qui plaît dans la guerre, c’est qu’on la fait. Il y a une liberté évidente de chaque homme, dès qu’il est armé ; et on rirait d’un état-major qui voudrait forcer les hommes à se battre. Mais aussitôt qu’ils sentent leur liberté, ils entrent dans une vie nouvelle et y prennent goût. Craindre la mort, il le faut toujours, et l’attendre, et enfin la subir. Mais celui qui va au-devant d’elle et l’appelle en quelque sorte en champs clos, celui-là se sent plus fort qu’elle. Tout le monde sait bien qu’il