Page:Alain - Onze Chapitres sur Platon, 1928.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 51 —

permis de chercher en ce dialogue comme le fantôme d’une doctrine secrète. Car la négligence de Platon est souvent étudiée. Il n’annonce jamais ce qui importe, et même nous détourne quelquefois de nous y jeter, comme s’il craignait par-dessus tout la prise brutale des mains. Mais quand le système y serait, quand on pourrait ici deviner, sous le jeu des contradictions, quelque chose de cette méditation pythagorique qu’Aristote rapporte de Platon, et qui faisait naître toutes les pensées et toutes les choses de l’un et du deux, il reste, de ces entretiens entre Platon et Socrate, qui sont tout notre Platon, une leçon cent fois redite, et qui a plus de prix que le système. Mais qu’est-ce que c’est donc ? Une légèreté de touche, une précaution devant la preuve, un retour au commencement, un art de tendre, et de détendre, de nouer et de dénouer le fil ténu ; une défiance à l’égard de cette pensée terrestre, qui tire de l’essence les propriétés comme d’un tonneau ; une attention, au contraire, à l’univers entier des relations, oppositions, répulsions, attractions, qui font un ciel mouvant