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commence un jeu de discours, le plus abstrait et le plus facile, et qui semble le plus vain, le plus sophistiqué, le plus inutile, le plus creux qui soit. Pour conduire le disciple à prendre au sérieux ce jeu, juste assez, mais non point trop, il est utile de rappeler ce qu’était Parménide, et quels paradoxes il jeta dans le monde. Rien n’est plus aisé à comprendre dès que l’on s’en tient au discours. L’être est et le non-être n’est pas, tel est l’axiome initial. D’où l’on tire que l’être est un ; car s’il était deux, un des deux ne serait pas l’autre ; et n’être pas ne peut se dire de l’être. Indivisible aussi ; car par quoi divisé ? Par un autre être ? Même impossibilité. Un donc, sans semblable, sans parties, tel est l’être. Tout ce qui est, il l’est. Ce qui n’est pas n’est rien, et donc n’a aucune puissance d’être jamais ; ce qui n’est pas ne sera pas. L’être ne deviendra donc jamais ce qu’il n’est pas. Absolument il ne peut devenir, ni changer en aucun sens. Il est immuable, Immobile encore plus évidemment. Le mouvement des parties y est impossible puisqu’il n’a pas de parties ; le mouvement du