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encore ce monde-ci. J’avertis le lecteur, par anticipation, de ceci, que les idées en Platon n’ont nullement forme de choses, ni fonction d’en donner la ressemblance ou le modèle.

Aristote, disciple ingrat, dit que Platon a changé seulement les mots dans le système de Pythagore. Pythagore disait que les choses imitent les nombres ; Platon dit que les choses participent aux idées. Quand on aura compris comment les choses telles qu’elles paraissent supposent le rapport, qui leur est substantiel, quoiqu’évidemment il ne soit point d’elles, on jugera que ce changement de mot n’était pas un petit changement. Et, d’après les exemples déjà tirés du Thééthète, on soupçonne que le rapport se montre dans la chose, et même s’en sépare, mais que, pris en soi autant que le discours permet cette abstraction, il ne garde rien de la chose, et se dérobe à l’imagination. Et l’erreur est ici d’imaginer au lieu de penser, d’imaginer un modèle de l’homme auquel l’homme ressemblerait plus ou moins. Métaphores. Mais il faut convenir aussi que l’erreur était diffi-