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sacrilège par l’impétueuse pensée de Glaucon et d’Adimante, c’est une raison encore plus forte ; Platon se peint ici tel qu’il aurait pu être, tel qu’il a craint d’être. En revanche le Socrate qui dit non à ces choses est peint pieusement et fortement. Les raisons viendront ensuite, surtout dans La République, alors lumineuses, et telles que je les crois invincibles. Si elles sont toutes de Platon, ou si Socrate en pressentait plus d’une, c’est ce qu’on ne peut savoir ; ou plutôt on a des raisons de penser, car il y eut d’autres Socratiques que Platon, et notamment les Cyniques, que la doctrine propre à Socrate se traduisait ici par de sobres maximes sur le gouvernement de soi, ou par des raisonnements courts du genre de ceux-ci : Celui qui n’est pas maître de lui-même n’est maître de rien ; ou : qui ferait marché d’avoir à lui tous les biens, sous la condition d’être fou ? La meilleure raison de penser que cette doctrine intérieure ne s’est amplement développée qu’en Platon, c’est qu’en Platon elle trouvait à vaincre son contraire, et son contraire fortement retranché. Toujours est-il