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Socrate l’a touchée, se meut toujours du dehors au dedans. Retrouver cette assurance de soi, ce centre du jugement, c’est ce qui importe. Mais il reste quelque chose d’obscur dans la doctrine, et voici ce que c’est. Transportant dans l’homme les vertus de l’État, nous avons défini sagesse, tempérance, courage. Est-ce que ces trois vertus ne feraient point justice ? y aura-t-il encore injustice si l’homme est purgé d’irritation et de convoitise ? Et ces deux vertus de courage et de tempérance ne feront-elles pas, avec la sagesse à laquelle elles sont soumises, cette harmonie qui est la justice ? La justice ne serait donc qu’un nom pour les trois vertus prises ensemble ? On peut s’en tirer ainsi, il me semble. Mais quand on lit Platon, et par cette manière qui est la sienne d’ouvrir tout juste un peu la porte, et souvent de la refermer, on gagne toujours à vouloir comprendre jusqu’au moindre mot. Eh bien, que signifie cette justice, qui n’est ni la sagesse, ni le courage, ni la tempérance, mais en quelque façon un compromis et une composition des trois ? Ce que c’est ? Par exemple limiter la tempé-