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Phèdre attend toujours. Phèdre n’est pas délivré de cette émotion sublime qui vise trop haut et trop bas. Maintenant Socrate parle, et ce conte de bonne femme qu’il nous rapporte rassemble le ciel et la terre. Il n’y a qu’un amour, fils de Richesse et de Pauvreté, nature mélangée. Pauvreté, car, ce qu’il cherche, beauté, sagesse, il ne l’a point. Mais richesse, car ces hauts biens, en un sens il les a ; comme on peut dire que celui qui cherche n’est pas tout à fait ignorant, ; ce qu’il cherche, il l’a. Richesse ; aussi ne faut-il point s’étonner si les premiers mouvements de l’amour, devant l’énigme de la beauté, sont comme surchargés de pensées. Et cela seul montre assez que le désir n’est point l’amour. Mais la colère, plus noble que le désir, n’est point non plus l’amour. Ce qui est cherché, et rarement trouvé, c’est l’autre esprit, le semblable et autre, cherché d’après les plus grands signes, et puis d’après les moindres signes, dans ce tumulte bientôt ambigu, où l’orgueil, la pudeur, la déception, l’ennui entrecroisent leurs messages. Ce qui est aimé, c’est l’universel ;