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MINERVE OU DE LA SAGESSE

est toujours le premier coup ; et il ne faut point essayer. C’est pourquoi la méthode de penser en commun et de décider en commun est mauvaise : elle épuise tout le monde et conduit à des solutions de fatigue. Il n’est pas difficile de deviner ce que sera une solution de fatigue ; ce sera acceptation et résignation ; et de mauvaise grâce, ce qui achève le mal. La mauvaise humeur est le fruit de l’attention intempérante. J’ai pris une grande leçon de ces associations qui prospèrent et ne font rien. C’est que l’attention y est vivante au commencement, quand les questions se posent, et morne à la fin quand il faudrait décider.

Les signes de l’intelligence sont bien trompeurs. Front soucieux, regard pénétrant, bouche tordue par les discours contraires, cela annonce plus de pensées que l’homme n’en peut conduire. Je regarde au contraire les parties lisses et apaisées ; telles les joues, comme un grand mur ; aussi le cou et la carrure qui signifient une juste proportion entre la vie et la pensée. Ce qui n’est point rustique pense d’abord trop, et bientôt ne pense plus du tout. De quoi les belles statues devraient nous avertir ; car la forme y est gardée contre l’incident. Je crains les agités. Je voudrais quelques hommes de marbre dans la politique.

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