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LXXVIII

L’HOMME D’ACTION

« N’arriverez-vous point à sentir, me dit le politique, à quel point le système européen est compliqué et fertile en surprises, et que les opinions concernant le bien et le mal sont ici absolument sans action ? Regardez ; chacune des puissances presse selon sa force et selon sa structure. La Pologne se sert aussitôt des armes que vous lui avez vendues, et contre l’Allemagne que vous avez désarmée. Et nous voilà liés à la Pologne quand justement l’Angleterre, sollicitée par d’autres intérêts, la rappelle et nous rappelle aussi au respect des traités. Ces diverses opinions peuvent être discutées ; les raisons abstraites ne manquent pas ; mais chacune d’elles traduit la nécessité en un langage que tout homme de bon sens doit comprendre. La sagesse consiste ici à prévoir autant qu’on peut et à se préparer ; et cette sagesse elle-même est un fruit de nécessité. Nos troupes sont renforcées ; nos dépenses courent ; pouvait-on faire autrement ? Les hommes ne sont rien. Notre Premier n’aime pas la guerre ; le Premier anglais est un démocrate ; mais leurs actes expriment une situation bien plus puissante qu’eux et que tout homme. Nos pères nommaient Providence ce jeu démesuré où nos faibles opinions sont comme poussières et pailles